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16 septembre 2008 2 16 /09 /septembre /2008 18:04
David Grossman, Seuil, Coll HC Essais, 2008

Ce livre s'articule autour de questions essentielles qu'évoque David Grossman, aussi bien en sa qualité d'écrivain qu'en sa qualité de citoyen israélien.

1 Les livres qui m’ont plu. David Grossman parle de ses sources d’inspiration, son processus de création littéraire, les auteurs et les livres qui y ont contribué, notamment Chalom Aleichem, la découverte du «
shtetl », de ses propres origines polonaises, et sa prise de conscience à l’âge de 9 ans de la Shoah.

2- Réflexions sur une paix insaisissable. David Grossman analyse les éléments qui constituent l’identité
israélienne -- la mentalité de survivant, la peur persistante de l’anéantissement malgré une armée
puissante, l’insécurité psychologique liée à l’instabilité des frontières -- et empêchent le pays
d’imaginer un avenir sans conflit, sans ennemi.

3- Connaître l’Autre. Réflexion sur le lien entre littérature et politique. La démarche de David Grossman en création littéraire – l’écriture qui lève en lui les barrières et le rapproche des autres et de lui-même
– est transposable au monde politique – comprendre son ennemi est une façon de chercher la paix.

4- Discours lors de la cérémonie à la mémoire d’Itzhak Rabin (2006). Un appel humaniste à la paix.
Constat de la perte des idéaux fondateurs de la culture juive et de l’Etat d’Israël. David Grossman dénonce la corruption que l’occupation a installée dans la société israélienne.

5- Pourquoi j’écris encore ? Quelles sont les raisons d’écrire dans un monde si violent ? L’écriture
est un espace de liberté intime et vitale où David Grossman peut exister, se ressourcer, se réinventer un monde ouvert à l’avenir.
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15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 22:42
Glanés au travers de leurs interviews, critiques et éloges de leurs confrères, où ce
que pensent les écrivains israéliens des autres écrivains israéliens.

Edgard Keret
( in Propos recueillis par Nadia Ali-Khodja et Mathieu Menossi pour Evene.fr,
- Mars 2008)

Vous considérez-vous comme un écrivain engagé ?

Très. Je suis peu apprécié, c'est peu dire, de pas mal d'écrivains israéliens
qui m’accusent de ne pas être suffisamment engagé. Ils me reprochent une
certaine légèreté. Je les effraie parce que j'observe la réalité par un prisme
qu'ils ne comprennent pas. Je décris les choses différemment. Je ne parle pas
ici de personnalités telles que David Grossman ou Amos Oz qui sont deux auteurs
que je respecte énormément. Mais j'ai en tête un certain nombre d'intellectuels
qui sont convaincus que si leurs essais étaient balancés d'un avion, tout le
monde se jetterait dessus… On s’entretue depuis soixante ans, ne croyez-vous pas
qu’il serait temps d'appréhender le monde autrement ?

Amos Oz
(in La croix.com  interview de jean Christophe PLOQUIN)

Que pensez-vous des générations d’auteurs suivantes et de leur rapport à Israël
et à la religion?

La jeune génération est, évidemment, moins obsédée par l’Histoire. Lorsqu’ils
sont nés, Israël existait en tant qu’Etat. Un Etat pas parfait, mais un Etat
relativement normal. Ils sont marqués par un inconscient historique: la
tragi-comédie de l’existence d’Israël. Ma génération est, encore, dans la
conscience des faits historique, donc dans leur résonance.

Ils travaillent sur l’intime et la comédie, ou encore l’exil de leurs origines.
Moi, j’écris sur la tragédie humaine, la stupidité humaine. Si vous me demandez
un mot pour décrire mon travail, je dirai: familles. Si vous me demandez deux
mots, je dirai: familles malheureuses. Si vous me demandez plus que deux mots,
je dirai: lisez mes livres…

Quel regard portez-vous sur la scène littéraire israélienne ?

Elle est d’une grande vivacité, beaucoup plus riche qu’il y a quinze ans. Il y a
des auteurs post-modernes, d’autres traditionnels, certains pleins d’humour. Il
y a des œuvres très politique, d’autres complètement apolitiques. La plus grande
nouveauté, c’est que beaucoup de livres sont écrits par des femmes. Je ne me
l’explique pas. Mais je me régale.


Aharon Appelfeld
(---interview Propos recueillis par Thomas Flamerion et Thomas Yadan pour Evene.fr
 - Mars 2008)

Existe-t-il, selon vous, une spécificité de la littérature israélienne ?

La littérature d'un pays, ça n'existe pas. Il y a des écrivains, il y a des
livres. En Israël vivent des juifs qui sont venus de soixante-quatorze pays
différents. C'est un pays constitué de nombreuses musiques, toutes différentes.
Israël est un pays libre où les gens écrivent ce qu'ils veulent.

(---Propos recueillis par Bernard LoupiasSite Bibliobs.com BibliObs. - 03/08)
Lisez-vous les jeunes écrivains israéliens?

A. Appelfeld. - Evidemment. Je les aime beaucoup, mais ce n'est pas mon monde.
Je viens d'une autre perspective. Eux sont nés ici, l'hébreu est leur langue
maternelle, ils se perçoivent dans le cadre de ce pays. Par conséquent, la
question qui se pose à eux est: «Comment vivre dans cette région particulière?»

BibliObs. - Certes, mais des écrivains comme Amir Gutfreund ou Lizzie Doron,
bien que nés ici sont des enfants de survivants de la Shoah, et leurs livres
sont hantés par cette tragédie...

A. Appelfeld. - C'est vrai. Mais, néanmoins, je me sens comme «le Juif». Je suis
«le Juif», avant toute chose. «Le Juif» qui a fait l'expérience de deux mille
ans d'Europe. Même si je l'ai quittée enfant, je sens encore la culture
européenne en moi. Aussi, ma perspective est-elle celle du juif européen, avec
une longue histoire. Les jeunes écrivains israéliens sont plus connectés à leur
environnement particulier. Ils ne se conçoivent pas dans le cadre de l'histoire
juive, mais dans celui de la nouvelle histoire juive, plus israélienne. C'est
pour ça, par exemple, que je suis plus attaché aux sources métaphysiques juives,
alors qu'eux sont plus concernés par les aspects sociaux et politiques de ce
pays.

Ron Barkai
(Propos recueillis par Bernard LoupiasSite Bibliobs.com BibliObs - 03/08)
- On voit ici beaucoup de livres d'écrivains juifs israéliens d'origine orientale,
syrienne, irakienne, voire iranienne...

R. Barkaï. - ... comme Dorit Arbinian, qui est une de mes écrivaines favorites,
elle est excellente...

BibliObs. - En revanche, les auteurs d'origine maghrébine, tunisienne,
algérienne ou marocaine semblent plus rares...

R. Barkaï. - Ils existent. Ils sont souvent regroupés autour de l'Arche
démocratique orientale, un mouvement très radical. Ils se définissent comme
Juifs arabes. Ils ne sont pas du tout sionistes, se veulent solidaires des
Palestiniens d'un côté, et décidés de l'autre à combattre le pouvoir israélien,
d'après eux toujours aux mains des Ashkénazes. Ce sont tous des intellectuels,
des universitaires, des cinéastes ou des écrivains, comme Sami Shalom Chétrit,
qui a écrit un livre où il est allé si loin que son héroïne est une juive à
moitié américaine qui se solidarise avec les kamikazes... Leur rôle, disent-ils,
est de venger l'humiliation des Palestiniens, et celle de leurs parents. Des
romancières comme Ronit Matalon, ou Dorit Arbinian, d'origine iranienne -pas
encore traduites en français-, sont assez proches d'eux.


Sayed Kashua
(Propos recueillis par Bernard LoupiasSite Bibliobs.com BibliObs.- 03/08)
Dernière question. Vous venez d'évoquer Etgar Keret. Mais quels sont les autres
écrivains israéliens qui vous intéressent?

S. Keshua.- Je les aime tous. J'aimerais bien prendre un café avec chacun
d'entre eux. On se voit plus souvent à l'étranger qu'ici, mais j'ai un problème
avec eux: quand on a fini de donner nos conférences, il n'y en a pas un qui soit
prêt à aller se saouler avec moi...
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12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 14:16
En israël la littérature est souvent poésie puis souvent chanson.

Arik Einstein est un chanteur israélien célèbre, il a mis en musique la poésie de Bialik intitulée “Elle s’assit à la fenêtre” (היא יושבה לחלון).
Il raconte l’histoire d’un homme qui se noit dans la passion amoureuse pour une femme “légère”. Un des vers les plus forts dit : ”A vos yeux elle est légère/A mes yeux elle est pure” (בעיניכם היא פרוצה, ובעיני היא ברה). Bialik se penche sur la cruauté de la société, les dangers et les ravages du commérage, l’ironie de l’amour. Rachel est ce qu’elle est, l’amant croit en vain en un amour qui ne lui répond pas et ne lui répondra pas. Lui attendra…  

Une autre façon d'aborder la littérature israélienne, en l'écoutant, dans le texte, et chanté de façon remarquable.


http://www.youtube.com/watch?v=jA-At95m01s
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12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 14:12
 

Touriste

Un jour j'étais assis sur les marches proches du portail de la Tour de
David. J'avais posé près de moi mes deux lourds paniers. Un groupe de
touristes se pressait autour de son guide, et je devins leur point de
repère. "Vous voyez l'homme aux paniers ? Un peu à droite de sa tête, vous
pouvez voir un arc romain. Juste à droite de sa tête." Mais il bouge, il
bouge! Je me suis dit: la rédemption n'adviendra que si on leur dit:
"Vous voyez là-bas l'arc romain? Sans importance, l'arc; mais à gauche,
juste à côté et en contrebas, un homme est assis qui a acheté des fruits
et des légumes pour sa maisonnée.".

Chaque soir

Chaque soir Dieu ôte ses scintillantes
marchandises de la vitrine
chars de feu, tables de lois, perles précieuses
croix et cloches étincelantes,
les rentre à l'intérieur dans ses coffres ténébreux
et ferme boutique : "Aujourd'hui non plus
nul prophète n'est passé acheter."


Chevreau au mont Sion

Un berger arabe cherche son chevreau au mont Sion
et sur le mont d'en face je cherche mon fils, mon petit garçon.
Un berger arabe et un père juif
en échec temporaire.
Nos deux voix se rencontrent au-dessus
de la Piscine du Sultan, dans la vallée mitoyenne.
Nous ne voulons ni l'un ni l'autre
que l'enfant et le chevreau
soient happés par la terrible broyeuse de
Had Gadya

Puis nous les avons trouvés dans les buissons,
et nos voix nous sont revenues, pleurant et riant en-dedans.

La quête d'un chevreau ou d'un fils
marqua toujours dans ces monts
l'aube d'une nouvelle religion.

Traduits par Colette Salem

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12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 13:55

'Une histoire d'amour et de ténébres', le livre autobiographique d'Amos Oz, a été traduit en arabe dans le but de promouvoir la coexistence.

Cette traduction a été prise en charge par la famille Khoury qui souhaite que le livre paraisse en arabe pour que les lecteurs puissent découvrir le point de vue de l'auteur israélien.
La famille Khoury est, depuis la mort de leur fils, Georges, engagée dans un effort de rapprochement entre les deux peuples.

Rappelons que Georges Khoury, 20 ans, étudiant arabe, ayant été pris pour un étudiant israélien, a été tué lors d'une attaque terroriste à Jérusalem en 2004.

Il était le fils d'Elias Khoury, célèbre avocat et écrivain d'origine libanaise.

Le livre a été traduit par Jamal Gnaim aidé par l'Institut de traduction de la littérature hébreue.

Ce livre sera d'abord mis en vente dans les quartiers arabes en Israël, puis en Egypte et dans d'autres pays arabes.

Ce genre d'initiative est suffisamment rare pour être soulignée et applaudie.

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11 septembre 2008 4 11 /09 /septembre /2008 07:35

Le prix Israël est le plus prestigieux prix littéraire israélien. Il n' a pas son équivalent en France, car il s'agit d'un prix remis par l'État d'Israël. bien que n'ayant pas de connotation politique mais non exempt de controverse pour autant.

Il est remis chaque année, le Jour de l'indépendance d'Israël, lors d'une cérémonie à Jérusalem, en présence du Président, du Premier ministre, du président de la Knesset (Parlement d'Israël), et du Président de la Cour suprême. Le prix a été créé en 1953 à l'initiative du ministre de l'Éducation Ben-Zion Dinor,qui a lui-même été lauréat en 1958 et 1973.


Ce prix est décerné dans les quatre domaines suivants, qui peuvent changer d'année en année dans un cycle de 4 à 7 ans, sauf pour le dernier domaine, qui est décerné chaque année:
-sciences humaines, sciences sociales, études juives
-sciences naturelles et exactes
-culture, arts, communication et sport

-œuvre de toute une vie et contribution exceptionnelle à la nation (depuis 1972)


Les récipiendaires du prix sont des citoyens israéliens ou des organisations qui ont fait preuve d'excellence dans leur domaine , ou ont contribué fortement à la culture israélienne. Les lauréats sont sélectionnés par des comités de juges, créés chaque année par le ministre de l'Éducation.
Les décisions du comité doivent être unanime.
En 2004, le prix avait été attribué 551 fois. Ce prix est de 50 000 shekels israéliens.

 

Parmi les lauréats on peut citer, Shmuel Yosef Agnon, Aharon Appelfeld, Abba Eban, Leah Goldberg, Israël Aumann, Michael O. Rabin et Saharon Shelah.


Mais aussi l'ambassadeur d'Israël Ali Yahya, l'acteur Makram Khoury, le dirigeant druze Amin Tarif, l'écrivain Emile Habibi et le théologien Marcel-Jacques Dubois

Bien que le prix soit généralement attribué à des citoyens israéliens seulement, dans des cas exceptionnels, il peut être attribué à des non-Israéliens qui ont vécut en Israel de nombreuses années. Zubin Mehta a remporté le prix Israël en 1991. Mehta est originaire de l'Inde, et est chef d'orchestre de l'Orchestre philharmonique d'Israël.


En 2008, le prix Israel a été attribué à Ida Fink, Tuvya Ruebner et Nili Mirsky pour (respectivement) la littérature, la poésie et la traduction (Seule Ida Fink est traduite en français). Le jury était composé des professeurs Nissim Calderon, Dan laor, Avidov Lipsker, Chaya Shacham, Dov Goldberger et de Chaya Horowitz;

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8 septembre 2008 1 08 /09 /septembre /2008 21:51
 Shitz, guerre, amour et saucisson, de Hanokh Levin, est mis en scène par Cécile Bakès à La Pépinière Théâtre, 7 rue Louis le Grand à Paris 2ème; jusqu'au 1er novembre

Avec en distribution : Bernard Balet, Anne Benoit, Salima Boutebal, Benoît di Marco, Clément Landais, Virgile Vaugelade
 

Un vieux père, une vieille mère, une fille jeune mais moche, un mariage ardemment désiré par tous, et pas de gendre à l'horizon. La situation semble bien cocasse. Et, si le titre de la pièce est assez obscur ("Shitz", c'est le patronyme de la petite famille dont on suit les aventures), le sous-titre, ingénieusement imaginé pour l'occasion, est aguicheur à souhait:"guerre, amour et saucisson".

Les premières critiques sont toutes élogieuses

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8 septembre 2008 1 08 /09 /septembre /2008 21:48
 Ida Fink est née en 1921 à Zbaraz, a l'époque ville polonaise, aujourd'hui intégrée à l'Ukraine.
Son père était médecin et sa mère enseignante. Elle étudie d'abord la musique au conservatoire de Lwow. En 1941-42, elle passera deux ans dans le ghetto de Lwow, puis s'échappe avec sa soeur grâce à des papiers aryens. Après l'holocauste elle se marrie et a une fille. Elle émigre finalement en 1957 en Israël et s'installe à Holon. Elle travaille dans une librairie de musique, et également à l'institut Yad Vashem ou elle enregistre les témoignages de rescapés. Elle publie son premier livre en 1971, d'abord en polonais; ses livres traitent principalement de l'holocauste et de la difficulté de survivre après l'holocauste.

Elle vit maintenant à Ramat Aviv avec sa soeur.

Elle a obtenu le prix Anne Frank, le prix Buchman, et le prix Sapir.
En 2008, elle a obtenu le prix Israël.

La cinéaste israélienne, Ruth Walk, lui a consacré un documentaire 'The garden that floated away''.

 

 

Bibliographie

Traces, Calmann-Levy, janvier 2000
Le voyage, Robert Laffont Coll Pavillons domaine de l'est, janvier 1992
Le jardin à la dérive, Points n°436, février 1991

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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 19:49
 

ADAM RESSUSCITE , le film de Paul Shrader vient d'être présenté en avant première mondiale au TIFF, le festival international du film de Toronto.

 

Selon les premières critiques lus sur le web, le film serait, comme le livre, difficile.

Le livre de Yoram Kaniuk en effet retrace la vie d'Adam Stern, le plus célèbre clown de l'Allemagne d'avant guerre, passé par l'horreur des camps , transformé en chien par la cruauté d'un officier allemand, arrivé en Israël et interné dans un hôpital psychiatrique spécialisé des rescapés de la shoah. Adam est devenu fou car pour lui c'est la solution humaine après la shoah. Le film n'est pas juste une histoire, et comme le livre, c'est un vent de folie qui prend aux tripes et qui est très difficile, ni larmoyant, ni philosophique, ni triste, juste une grande farce comique.

Ha, ha, ha


Paul Shrader semble dans sa réalisation avoir adopté cette manière de raconter, d'où un film difficile à suivre.

La prestation de Jeff Goldblum dans le rôle d'Adam est pour sa part salué de tous; peut-être un futur oscar.

Le film devrait être distribué à partir de février 2009. Je serais sur les rangs.

D'ici là, vous pouvez lire le livre.

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4 septembre 2008 4 04 /09 /septembre /2008 21:47
 Meir Shalev, Albin Michel 1990

 

Comme d'autres ont chanté, conté, le shtetl et les communautés d'Europe centrale, Meir Shalev a inventé les contes du kibboutz et du moshav.

A travers l'histoire de Baruch, de sa famille, son grand père Yaacov et de 'la compagnie de travail au nom de Faïgué', Meir Shalev raconte l'arrivée des premiers pionniers en terre d'Israël. Pionniers venant de Kiev qui fondèrent les premières communautés agricoles, domestiquant la terre, instaurant des sociétés égalitaires, où l'agriculteur garde la suprématie sur l'instituteur.

Libres, pleins d'espérance et de rêves, ils sont arrivés et ont inventés leur monde et leur mode de vie, ils se sont ré appropriés la terre, l'ont apprivoisé mais sont restés des hommes, avec leurs chagrins, leurs amours et leurs haines et tant de rêves.

Ils étaient quatre Yaacov, le grand père de Baruch, Eliézer Libersohn, Tsirkine -Mandoline et Faïgué Levine. Ils ont fondé en riant la sérieuse 'compagnie de travail au nom de Faïgué' devenu un symbole et un exemple historique pour les jeunes générations.

Et Yaacov raconte à son petit fils Baruch, il le nourrit de mots et Baruch assoiffé écoute les histoires aux portes, sous les fenêtres pour raccrocher les fils épars. Pinès l'instituteur prend aussi sa part à cette éducation et ils sont là, les deux vieux ressassant, et l'enfant affamé.

C'est Baruch qui prend la parole, à l'age d'homme, il enterre les pionniers et raconte le destin de chacun.

Avec cette merveilleuse faculté de conter, le lecteur sent vite l'odeur des foins, la terre sous ses ongles, la fraicheur de la nuit. L'histoire avance, revient en arrière, s'y arrête un moment, bifurque et reconstitue les destinée de chacun, leurs entrelacs. Doucement le puzzle se reconstitue.

Ce livre a de plus l'intérêt de retracer un pan de l'histoire d'Israël, peu connu aujourd'hui : les débuts des communautés agricoles israéliennes.

 

Quelques extraits:

 

'Alors que le trio effréné chantait des chants ukrainiens « pour énerver les parasites du baron », Faïgué et son frère Shlomo Lévine étaient assis à coté, torturés jusqu'à l'évanouissement par leurs estomacs vides. Arrivés ensemble dans notre pays, ils furent jetés dans les bras des matelots arabes sur le quai crasseux, ils se mirent sur pied et commencèrent à errer, accablés par la dysenterie, le soleil et la faim. Leur aspect délicat compromettait leurs chances de trouver du travail. Schlomo Lévine retirait ses lunettes pour ne pas passer pour un « intilliguent » chez les paysans et, quand il obtint du travail dans une vigne, il ne parvint pas à distinguer une taille de trois yeux d'une taille de quatre yeux. A cause de ses yeux, il détruisit une rangée entière de pieds et il fut renvoyé.

Ils mangeaient à la fortune du pot des gens charitables. Des lentilles dans de l'huile de sésame brûlante, des oignons d'Égypte, des oranges jetées, des lanières brunes de « camardine ».

La camardine était « le sucre des pauvres ». De la pulpe d'abricots pilée, abaissée et séchée. Je disais et redisais ce mot, et je sentais entre les syllabes le goût gluant, doucereux. Shlomo Lévine me racontait combien il avait en horreur cette camardine.

« Mais c'était bon marché, et nous n'avions pas d'argent, ta grand-mère, ma malheureuse soeur, et moi. »

Les pauvres ont besoin de quelque chose de doux, c'est le goût le plus proche du réconfort, m'expliquait-il, et il était plein de colère car il se souvenait du vol de tout le chocolat de la coopérative commis par des jeunes du village « alors qu'ils pouvaient l'acheter, ces grands héros. »'

 

'J'avais une tête de plus que tous les enfants et, pour cette raison, on me fit asseoir dans le fond. Je posais mon cartable, le sac allemand de mon père Benjamin, et je vis Pinès entrer dans la classe. Il m'avait déjà donné quelques leçons. J'avais cinq ans, quand il m'emmena au verger et me montra un nid ovale, couvert, avec une ouverture ronde sur un côté.

« C'est le nid de la fauvette, dit-il, les petits se sont déjà envolés. Tu peux mettre ta main à l'intérieur et sentir. »

L'intérieur du nid était tapissé de graines de sèneçon et de duvet, doux et tiède.

« La fauvette est notre amie, elle détruit les insectes nuisibles, dit Pinès, elle a un petit corps et une longue queue. »

Il m'emmena dans sa maison. Parmi les centaines d'oeufs vides qu'il conservait dans des boîtes, il prit pour me le montrer celui de la fauvette – petit, pâle, avec des points rouge au bout. Quelques jours après, nous sautions ensemble dans la broussaille pour entendre les sifflements de séduction de la fauvette mâle, voir que sa queue lui servait à garder l'équilibre et que son bec long et acéré était vraiment fait pour capturer les insectes.'

 

 

 

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